mercredi 27 juillet 2011

Les geeks mutent vers une nouvelle espèce : le « Y-Geek »



Historiquement, les geeks furent des passionnés d’informatique, des spécialistes de la bidouille matérielle, système ou logicielle. Ils ne rechignaient pas à cracker, compiler, scripter, développer. Le code n’avait souvent plus de secret pour eux. Dès leur plus jeune âge, ils savaient démonter entièrement un ordinateur… puis le remonter, équipé d'une nouvelle carte mère ou carte vidéo, d'une nouvelle version d’OS, d'un meilleur patch ou d'un meilleur driver.

Windows n’étant pas assez « ouvert », le Mac encore moins, les vrais geeks n’adorèrent de longue date qu’un seul Dieu : UNIX. 

Longtemps leur dévotion se fit au travers de religions sœurs, mais concurrentes. Elle s'unifia pourtant pour prier Linux, le fils unique de leur Dieu. Leurs prières incantatoires s’écrivèrent alors en shell scripté. Certaines factions de geeks migrèrent bien vers le monde PC, mais ne parlèrent alors que des langues sacrées, le .bat, le VB, le C#.

Dans les années 2000, l’essor attendu du monde libre leur apporta une joie sans bornes. Ce fut l’ère des Debian, Apache, MySQL et Open-Office. Les geeks appréciaient alors le bon code C++ sous Unix, non commenté bien sur (à décrypter), ainsi que le XML, pour les plus modernes. Autant de systèmes et langages totalement incompréhensibles pour le profane.

Vu des geeks eux-mêmes, l'avènement de la « geekitude » universelle approchait. Elle allait même bientôt devenir la normalité de tous les informaticiens, voir de tous les êtres humains.
Ce âge d’or s’étalait dans les meilleurs films des années 90-2000 où le citoyen lambda apparaissait (parfois) comme ayant la capacité surnaturelle de bidouiller tout objet informatique en programmant n’importe quoi, pour se connecter sur n’importe quoi. 

Rappelons-nous tous ces films où l’on se pouvait se connecter aux panneaux d’affichage autoroutiers depuis le modem d’un distributeur de boissons, où l’on déclenchait depuis chez soi des lanceurs atomiques… ou encore Jurassik Park avec son programmeur fou fumant à tout va et régnant en maître sur le complexe, mais contré par une fillette de 12 ans qui annoncait sans sourire : « Je connais ce système, c’est Unix » (toute une époque).

Mais à l'approche des années 2010, apparait soudain la Y-Generation (Web 2.0, FaceBook, YouTube, iPhone, …), et avec elle une nouvelle génération de geeks, ce que j’appellerais le Y-Geek.

Le nouveau geek s’affiche rapidement, lui, comme n’étant pas du tout intéressé par le terminal et son système (qui doit se fait oublier, sauf pour son look). En revanche, il porte un grand intérêt sur ce qu’il peut obtenir de l’appareil pour mieux « consommer » du contenu web. Son outil n’est alors plus un PC ou une station de travail, mais devient un smartphone ou une tablette. 

Notons que ces terminaux sont souvent très fermés. La simplicité et fluidité d'usage sont liés à cette standardisation hermétique, il faut en payer prix, mais on l'accepte.

Le but de ce nouveau geek n'est donc plus de bricoler le terminal, il est de consommer du Web gratuitement, si possible, sinon au moins cher. Si nécessaire, il pourra délocker ou jail-braker tout ce qu'il peut....sur ce point, le geek est toujours fauché.

Ce nouveau geek ne consomme plus de lourdes « applications » savamment installées en local sur le terminal, lesquelles étaient naguère compilées ou optimisées pour mieux fonctionner…. Que consomme-t-il ? Avant tout de la musique, des photos, des petites vidéos, des films (en téléchargement ou en streaming), des jeux, de petites applis utiles, des sites web animés, des infos partagées sur des sites communautaires, des actualités, de la géo-localisation GPS, etc…

Le Y-Geek se moque du type de terminal client. Sur ce point, il devient agnostique. Le terminal client doit juste être le plus branché, le plus fun, le plus design, le plus rapide, le plus plat pour entrer dans la poche. Il doit être doté de l’accès Wi-Fi et surtout 3G le plus rapide. 

Son OS et ses applis doivent consommer du web naturellement. Rappelons-le, ce que le geek veut désormais, c’est de l’accès immédiat au net, à l’information et aux données…. 

Quand l’ancien geek savourait longuement ses applications patiemment programmées ou installées, le Y-Geek accède à des masses de Goctets qu'il oublie aussi vite qu’il les a consommés. Il agit tout comme lorsqu'il zappe sur sa TV, ou plutôt sur ses multiples TV (TNT, BoxTV connectés ADSL, enregistrements HD, Time-Shift, sites de replay, DVDs, BlueRay, DivX, ...).

A la différence du Geek ancien, le nouveau Y-Geek a une sainte horreur de ressentir, sur le terminal, la complexité du système, l’existence de processus, de tâches ou de traitements.
Pour lui le terme même d’ « informatique » apparaît déjà préhistorique car associé à un monde soit « has been », soit professionnel, donc pas cool. Ce terme d’ « informatique » aurait même vocation à être rapidement banni du vocabulaire, car l’inform(ation), n’est plus traitée en autom(atique), mais est devenue du contenu web consommé.

Au-delà du monde des smartphones et des tablettes, l’univers du Y-Geek ne penche plus vers le PC. Il penche fort vers les BoxsTV à disque dur, les écrans-plats à leds connectés en wi-fi, vers les consoles de jeux de salon ou transportable connectés en réseau, vers les lecteurs MP3/MP4. Bref, il penche vers tout se qui est connecté au Web et permet de consommer également du contenu, en le partageant avec sa communauté. Un monde bien évidemment relié à des App-Store permettant l’accès aisé aux dernières applications branchées, aux derniers services lesquels sont achetés et activés de manière rapide et transparente.

Cette profonde mutation du Geek n’aura pris que quelques années. Mais elle est déjà bien en place chez nos propres enfants et adolescents passionnés. Bidouiller un PC Windows et son système est devenu « has-been ». Trouver l’appli communautaire tueuse sur sa tablette, associée au crack mortel permettant d’y joindre le plus d'amis est devenu, en revanche, « top-super-cool ».

Le constat est là, le Geek des années 90-2000 ne produit déjà plus de Geek similaire, mais une mutation d’espèce a bel et bien eu lieu. La bidouille hardware et le développement ne passionnent plus personne, c'est criant.

Tout porte désormais à croire que cette profonde mutation va bientôt s’imprimer sur les futurs usages du terminal informatique, sur les métiers de l'informatique et y compris, bien sur, dans le quotidien des entreprises.

mardi 26 juillet 2011

Microsoft peut-il perdre la bataille de l’OS du futur poste client ?


Un vieil adage guerrier dit que si un « gagnant » (celui qui a connu une série de victoires), un jour n’avance plus et stagne, son « front » devenant difficile à tenir… alors immédiatement, ses adversaires contre-attaquent, voire se liguent contre lui. Dès lors, plus l’ex-puissant reculera, plus la contre-attaque s’intensifiera car l'ex-attaquant doit alors se défendre et perd donc l'avantage de la surprise (ex : Stalingrad 43, Napoléon Campagne de Russie, … Mohamed Ali contre Georges Foreman).

Microsoft, le leader brillant des années 90-2000, est aujourd'hui mal parti pour livrer et gagner la bataille des « nouveaux clients » que sont tablettes et smartphones. Ceci, malgré Windows 8, Windows Phone 7 Mango, malgré l'accord avec Nokia. Steve BALLMER lui-même le prédit en ne pouvant que constater les malheureux 1,6% de part de marché de Microsoft sur les smartphones, sur le premier trimestre 2011.

L’ennemi Linux est aujourd’hui bien oublié. Il était aussi issu du monde des « PC et Stations de travail », ses applications étaient parfois encore plus ardues à installer et paramétrer que celles de Windows.
L’avenir s’écrit désormais effectivement sur les périphériques simples et modernes : smartphones et tablettes.
Après iOS, Android, WebOS, ChromeOS, c’est aujourd'hui Mozilla qui développe un OS (Boot to Gecko ou B2G) orienté Web, afin d’appuyer le succès de son navigateur FireFox à l’heure de l’HTML 5.

Aujourd’hui, Windows 7 est très, très peu employé sur les tablettes (à part bientôt Lenovo !), et Windows 8 risque d’arriver trop tard, trop lourd (malgré la potentielle compatibilité applicative).
De nouveaux acteurs peuvent donc en profiter pour se jeter dans la bataille des tablettes, comme bientot le géant Sony, peu familier des entreprises. Car Sony est fort de ses millions de « terminaux écrans plats » très connus, déployés chez tous les particuliers (les PS3 et PSP, bientôt PS Vita) et surtout de son énorme « Application Store » aux 80 millions de clients fidèles (certes, bousculé au printemps, mais l’épreuve forge l’expérience).

Les ennemis de Microsoft contre-attaquent donc en force sur tous les fronts, mais qu’est-ce qui fait exactement leur force ?

C’est la simplicité d’usage avant tout, le service rendu immédiat, la consumérisation du web. 

Voici 2 petits exemples en témoignant :

Le premier. Récemment, je prenais un vol intérieur. Tous les passagers autour de moi allumèrent leur smartphone lors de l’atterrissage. Sur les 3 passagers devant, les 3 à côté et les 3 derrière, 90% allumèrent un iPhone et accédèrent en 2 secondes à leur messagerie / agenda. Moi seul ai démarré un smartphone Windows Phone 6 (pas de chance), j’ai dû attendre 30 bonnes secondes avec un logo fixe Windows que les « services » se lancent, puis je dus discrètement prendre un stylet HTC pour trouver l’icône messagerie. Pourtant, CPU, ram et écran sont de même type, seul l’usage est radicalement distinct.

Le second. Jusqu’à encore très récemment, chaque enfant rêvait de posséder un PC fixe ou portable. J’avais ainsi pensé à un ordinateur portable pour l’anniversaire de mon pré-ado. Mais nous sommes aujourd’hui à l’heure du Web. Ayant eu vent du projet, le gamin m’a alors demandé si, avec un ordinateur portable (pour lui, un outil professionnel), il pourrait télécharger des applications en 2 clics comme sur l’iPad de sa grand-mère ou sur sa PS3 ? Et que tout se lancerait bien immédiatement « dès le démarrage », comme sur l’iPod 
Je dus lui répondre que non, pas vraiment… qu’il faudrait d’abord faire attention à l’appareil avec ses pièces fragiles comme son écran, son disque dur, son lecteur CD-DVD, …. Puis qu’il faudrait ensuite y installer des applications compatibles, issues de CD ou bien téléchargées depuis des sites web, sous formes de packages MSI et de DLLs, le tout scanné préalablement par l’anti-virus, etc…

J’ai alors constaté qu’aujourd’hui, en 2011, un pré-ado voyait le monde du PC… comme j’avais vu le monde des électrophones vinyles des années 60 lors de l’essor des walkmans à K7 dans les années 80, c'est-à-dire « un truc de vieux, un truc has-been » (définition même de l’engin « qui ne fait plus rêver »).

Bref, faute de proposer de bons postes clients capables de « consommer du web en temps réel », le poste Microsoft devient « has been » pour les utilisateurs jeunes, ou même des retraités, découvrant l’informatique sur le tard. Microsoft souhaite, on l'a compris, garder pied sur l’héritage (legacy) applicatif, mais sans coup de barre énergique de stratégie, le PC risque de se cantonner de plus en plus au seul domaine de l’entreprise ou des artisans.

Les queues se forment aujourd'hui devant Apple, Google ou Sony, lors des sorties de leurs « terminaux »... mais les sorties des versions Windows attirent de moins en moins les foules, notamment chez les jeunes, demandons nous pourquoi.

Malheureusement, ceci est donc de mauvais augure pour la survie d’un usage « tous publics » du PC Windows tel qu’on l’a connu depuis 25 ans, sur les décennies à venir et auprès des jeunes.

lundi 11 juillet 2011

Le nouveau "Dieu-Ecran", il décide de votre vie...

J'ai été récemment frappé par deux scènes ou des quidams remettaient leur vie entre les mains du nouveau « dieu » écran informatique, ce, depuis leur voiture.

La première est issue d'un récent reportage TV sur M6 (émission Turbo). L'hélicoptère de la police repère un véhicule dont le conducteur téléphone en conduisant. Le véhicule est alors pris en chasse par une voiture de police, puis arrêtée plus loin sur une aire. Le conducteur indique alors au policier (sans sourciller) qu'il se trompe gravement, qu'il ne téléphonait pas du tout... mais utilisait son iPhone comme GPS, en cherchant d'une main l'itinéraire à prendre, tout en conduisant de l'autre, et sans regarder la route.
Il pouvait d'ailleurs le lui prouver car il n'y avait pas d'appel téléphonique enregistré... L'avis éclairé du Dieu iPhone GPS lui indiquant la route l'amendait surement de toute infraction. Malgré le soutient du Dieu d'Apple... l'homme a récolté une amende standard.

Le même soir, en rentrant chez moi, j'arrive près d'un rond point où de nombreuses routes sont connectées. J'entrevois alors une voiture arrêtée sur la voie de droite, en pleine chaussée, devant le rond-point. Une panne soudaine et malheureuse, sans doute...
J'hésite alors, ralentis, puis double lentement la voiture à vitesse réduite. A l'intérieur, j'aperçois alors deux retraités rassemblés (priant presque les mains jointes) devant leur écran GPS collé au pare-brise, lequel va surement leur venir en aide et leur indiquer le droit chemin.

Ces comportements sont sidérants. L' « écran-Dieu » (ici iPhone ou GPS) est devenu une entité dont l'avis éclairé omniscient prime sur le bon sens, au point que certains remettent désormais leur vie entre SES mains.

Il est vrai qu'avec le Cloud, cet avis descend désormais directement du ciel...

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