vendredi 18 mars 2011

L'illusoire croyance dans la fin du mail, comme dans la fin de l'histoire


Il y a un mois, Thierry BRETON (PDG d'Atos) a créé le buzz en annonçant la fin de l'utilisation du mail d'ici 3 ans. Le mail serait remplacé dans l'entreprise par les nouveaux outils de collaboration et autres réseaux sociaux.

Le propos a été repris par beaucoup sous le thème « Le mail est-il mort ? », me rappellant la théorie de "la fin de l'histoire", réactualisée par F. Fukuyama.

Je pense que l'on mélange ici plusieurs points, qui furent parfaitement analysé il y a 15 ans lors de l'essor du groupware et des outils collaboratifs en entreprise (Lotus Notes, en particulier).

Le partage et la collaboration se scindent en plusieurs catégories :
D'abord dans une première dimension utilisateur : de 1 utilisateur vers 1 autre (mail), de 1 utilisateur vers N autres (forum, bibliothèques), de N utilisateurs vers N autres (communautés).
Ensuite dans une deuxième dimension fonctionnelle, fixant l'aspect dynamique de l'information. Celle-ci peut être statique (news, info), légèrement dynamique (document à créer en groupe), fortement dynamique (dossier d'info composite à construire).

L'information collaborative à haute dimension utilisateur et fonctionnelle est celle que l'entreprise se doit de capitaliser en terme d'acquisition, puis de capitalisation du savoir (avec les processus, les droits, les rôles qui vont avec). L'autre, à laquelle appartient le mail, relève d'un autre usage historique, plutôt personnel.

Je souligne que nous ne devons pas oublier ces « fondamentaux » de la collaboration en entreprise sous prétexte que de nouveaux outils Web 2.0 de la génération Facebook se diffusent. Et cela même si de nouveaux outils sont venus étendre le panel depuis l'ère groupware : chat, tweet, wiki, blog, partage communautaire, etc...

Bien sur, sans autre outil collaboratif « avancé », basé sur des communauté définies, le mail vient combler le trou des besoins fonctionnels « plus riches ».
Il est donc aujourd'hui employé bien à tort pour débattre, échanger, commenter, répondre à tous, rajouter d'autre destinataires en copie, …en multipliant les pièces jointes.

Mais ceci n'est pas son usage original.
Un outil comme Lotus Notes l'avait déjà bien repositionné sur son pré-carré, à savoir la collaboration informative (invitation, requête, demande, ordre, retour d'avis, …) de personne à personne.
Bref, la place exacte occupée par le courrier (postal) dans la vie courante.

Soyons par ailleurs réalistes !

Le mail est la métaphore informatique du « message » émis sur papier, parchemin et bien avant sur payrus. Cette métaphore existe depuis plusieurs milliers d'années, l'e-mail lui-même à déjà 40 ans.

Nous n'allons pas, dans le monde des entreprises,  s'envoyer des SMS comme les ados. Nous n'allons pas, non plus, poster systématiquement tous nos propos dans des "communautés" lorsque l'on souhaite écrire un simple courrier personnel à un contact (collègue, client, partenaire) pour lui formuler une remarque, un ordre ou une requête. Tout simplement parce que les communautés et réseaux ne sont pas structurées pour tous  nos besoins et n'ont pas d'utilité évidente.

Bref, ce débat sur la disparition du mail me semble oublier le besoin et l'usage original du mail, et apparaît surtout aveuglé par la modernité.

Il me rappelle les « penseurs » des années 70 qui prédisaient la fin proche de la cuisine, des couverts et assiettes vers l'an 2000. Car pour eux, au 21è siècle, la technologie offrirait enfin, sous forme de pilules, les protéines chimiques nécessaires à notre organisme au quotidien.
Mais rassurons-nous l'homme moderne se régalera longtemps de brochettes de viandes aux légumes préhistoriques, servis dans un assiette en terre cuite.

Je prédis donc pour ma part que l'e-mail vivra encore longtemps. Il survivra même au PC qui aura disparu, remplacé par des tablettes « multi-touch », connectées au Cloud en haut-débit sans-fil.
Pourquoi ? Tout simplement parce que ces dernières, elles, s'utilisent exactement comme l'ardoise sumérienne ou la tablette égyptienne d'il y a 4000 ans : simplement, partout, facilement.

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